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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 22:30

 

Ce récit expose l'hospitalisation de son auteur, « atteint d'une maladie du sommeil », à l'hôpital de la Salpêtrière en 1972 et ses discussions avec son psychiatre traitant,Louis Bertagna. Ce livre, dédié à Christian Fouchet qui venait de mourir quelques semaines avant la parution, clôt le cycle du Miroir des limbes constituant les mémoires de l'auteur.

Hospitalisé pour troubles neurologiques à l'hôpital de la Salpêtrière, André Malraux se remémore des souvenirs de guerre, où se mêlent élans de fraternité et questionnements face à l'horreur. 

Dans une première partie, il relate longuement, dans une vision qui tient d'une forme de délire, l'utilisation par les Allemands des gaz de combats durant la Première Guerre mondiale lors d'une fictive « bataille de Bolgako » en 1916 sur la Vistule — la première utilisation ayant eu réellement lieu lors de la bataille de Bolimov en janvier 1915 —, où un commandant allemand Berger est là pour constater l'effet dévastant des armes chimiques sur les Russes et l'environnement.

 Devant l'horreur et l'inhumanité des effets des gaz, des soldats allemands montant à l'assaut viennent à porter des Russes vers leurs propres ambulances dans un geste fraternel pour tenter de les sauver.

 

De sa chambre d'hôpital, Malraux dans une seconde partie s'interroge, dans un état de semi-conscience, sur la souffrance — qu'il dit ne pas ressentir dans son état —, la maladie et la mort, en particulier l'acte du suicide, commis par nombre de ses proches et possiblement par son père. Ces questionnements se poursuivent dans une troisième partie sous forme d'un dialogue métaphysique et culturel avec son psychiatre suivi de l'évocation de souvenirs de la résistance toujours vus sous l'angle d'une réflexion sur la mort.
C’est l’un des derniers livres écrits par Malraux  et celui-ci est écrit après le séjour de l’écrivain à l’hôpital La Salpêtrière. Malraux frôle la mort.

 

Toute l’oeuvre de Malraux tourne autour de l’histoire, l’art et la mort.  C’est un dialogue intime entre l’homme malade, en sursis, et son univers, sa propre histoire peuplée de celles des autres.

Comme toujours chez Malraux, le verbe frappe fort, les mots sont chargés de vie. 

Les phrases sont écrites avec cet élan puissant de celui qui a beaucoup vécu et qui cherche la synthèse de toutes ses expériences. 

Ce dialogue intérieur est  chaotique, sans ordre logique. Tout est dans tout et réciproquement.

 Mais chaque pensée trouve son écho dans les nombreuses vie de Malraux.

 

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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 23:24

A sept ans, Edouard écrit son premier poème, quatre rimes pauvres qui vont le porter aux nues et faire de lui l'écrivain de la famille. Mais le destin que les autres vous choisissent n'est jamais tout à fait le bon...

Nous sommes dans les années 70, Edouard a 7 ans et après avoir écrit un petit poème enfantin de 4 rimes, se voit affublé du titre d’ « écrivain de la famille » ! Il n’en fallait pas plus pour sceller le destin du jeune garçon. Tout le monde croit en lui, d’abord ses parents, puis son épouse.

« Edouard, tu as un don, il faut écrire, écrire un roman ». L’écriture est porteuse d’espoir pour ses parents et de gloire pour sa jeune épouse…

 

Les années passent, l’inspiration ne vient pas mais la vie, elle, continue. Edouard trainera cette impression d’avoir déçu tout le monde, de ne pas être à la hauteur. Les amours se délitent et se rabibochent, les petits bonheurs croisent les grandes souffrances un peu à la manière d’une Anna Gavalda.

On est à Lille, au Touquet, à Valenciennes ou à Paris. On rit, on pleure. Les mots que l’on destine à ses proches sont parfois encore plus difficiles à dire qu’à écrire…

 

Un roman familial vraiment très touchant sur fond autobiographique, très bien écrit, en tout cas un auteur à découvrir !

 

« L’écrivain de la famille » a obtenu le prix Marcel Pagnol en 2011, le prix Rive Gauche à Paris 2011 et le prix Cœur de France 2011.

son site web http://www.gregoiredelacourt.com/

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 15:23

Ce que je retiens, ce qui me retient, après lecture, c’est une conviction qui vient accompagner mes intuitions actuelles. 

 On n’est jamais seulement l’enfant de ses parents, on n’a jamais un prénom par hasard, on ne vient jamais de nulle part, quelques soient les distances, les temps et les lieux. 

Toujours, un jour, les fils se tissent. De l’importance des mots que l’on dit aux enfants. 

Les légendes familiales sont souvent les plus belles.

 

A travers le témoignage de Tobie Nathan, on comprend mieux quels chemins le freudisme, le marxisme, le sionisme, l’appartenance républicaine à la France, toutes ces représentations, et les pratiques concrètes qui en dérivaient ont pu emprunter dans le dernier quart du XXe siècle, compte tenu des héritages qui se projetaient sur elles. On comprend aussi pourquoi la psychologie s’est faite «ethnologique», quoi que l’on pense de ce projet, qui vise au fond à ramener les dieux sur terre.


• Christophe Colera

 

 

 

Très tôt, dans son enfance égyptienne, Tobie Nathan a entretenu une native complicité avec les mythes, les légendes et, d”une manière générale, avec la “pensée magique” qui, selon lui, reste l’ADN le plus fiable de la nature humaine. Cette affinité avec l’étrange, avec l’étrangeté de l’autre, l’a conduit très tôt vers l’ethnopsychiatrie de Georges Devereux, ce freudien hérétique qui voulait analyser ses patients en les inscrivant dans leur contexte culturel. De là, est née une oeuvre passionnante, toujours fidèle au légendaire, mais articulée autour des concepts les plus aigus de la psychologie. Sorciers, chamans, vieux sages, marabouts, et autres créatures pittoresques eurent plein droit de cité dans ses livres – et dans sa vie.

C’est cette vie, précisément, que Tobie Nathan a entrepris de raconter, en va-et-vient, dans l’”ethno-roman” qu’il nous propose ici. Le voici donc dans la Sorbonne post-soixante huitarde, dans les services psychiatriques où il officie, dans sa mémoire égyptienne, chez les fous-sages chez des sages un peu dingues, chez les devins d’Afrique et dans les dîners d’Ambassade… Sur ce monde, notre monde, il pose un regard d’adulte émerveillé et mélancolique, pessimiste, lucide, généreux.

 Cette autobiograhie intellectuelle, morale et savante, se lit comme un roman : le roman d’une belle vie

Tobie Nathan


Universitaire, ethnologue, diplomate, Tobie Nathan est, d’abord un intellectuel né au sein d’une vieille famille juive égyptienne. 

 

Il a exercé des fonctions de Conseiller culturel en Israël et en Guinée, après avoir collaboré au Centre de consultations ethnopsychiatriques de l’hôpital Avicenne de Bobigny. 

 

Tobie Nathan a publié de nombreux ouvrages, fruit de son expérience au Centre Georges Devereux qu’il a fondé en 1993 – dont La nouvelle interprétation des rêvesou Psychanalyse païenne. il est également l’auteur de romans policiers (aux éditions Rivages).

 En 2010, il a publié chez Grasset Qui a tué Arlozoroff ? 

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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 17:27

 

Publié aux États-Unis un an après la mort d'Isaac Bashevis Singer, Le certificat a été écrit beaucoup plus tôt et était resté inédit. C'est sans doute, de tous ses livres, le plus directement autobiographique. David Bendiger ressemble comme un frère jumeau au jeune Isaac qui vient tenter sa chance à Varsovie comme écrivain. Il a faim, il a froid, il ne sait souvent pas où il couchera le soir, mais deux passions l'habitent : l'amour des femmes et le besoin absolu d'écrire...

 

Résumé du livre : Le certificat

" Je m'étais réveillé ce matin-là avec le sentiment d'être un conquérant. J'avais donc réellement eu des relations intimes avec une femme... Je me dis : " quoi qu'il arrive à Edusha, même si elle vit jusqu'à cent ans, elle ne pourra jamais oublier qu'il y a eu un David Bendiger dans sa vie. " D'une façon plus ou moins romantique, je me sentais devenu immortel. Si en plus mon essai était publié, je savais que je pourrais me considérer comme très heureux... " David ressemble comme un frère jumeau à Singer et nous allons passer en sa compagnie quelques semaines à Varsovie, à la fin de l'hiver 1922. Agé de dix-neuf ans à peine, fragile, timide, sans un sou, il est venu tenter sa chance dans la capitale, habité par deux passions : les femmes et la littérature. Tragique, comique, attachant, déchirant, il va nous faire passer sans cesse du rire aux larmes. Publié aux Etats Unis en 1992, un an après la mort d'Isaac Bashevis Singer, LE CERTIFICAT a sans doute été écrit plus tôt et était resté inédit. C'est sûrement le plus autobiographique de tous ses livres et on en achève la lecture ému et enchanté.

 

 

Isaac Bashevis Singer - (1904-91) a reçu le prix Nobel 1978 de littérature. est né en Pologne, est venu aux Etats-Unis en 1935. 

Devant la montée du climat antisémite en Pologne et l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, Joshua emmèna sa famille à New York. En 1935 Joshua fit venir Isaac à New York. Isaac promit à Rachel de bientôt la faire venir aux USA avec leur fils. Cela ne se produira jamais.

La mère d'Isaac et son frère Moishe s'enfuirent en Russie. Moishe devint un hassid  suivant ainsi les traces de son père.

Les premières années d'Isaac aux USA sont difficiles, Isaac se sent déraciné et a des difficultés à s'adapter au mode de vie américain. " J'avais coupé toutes les racines qui me rattachaient à la Pologne et pourtant je savais qu'ici, jusqu'à la fin je resterais étranger."

A New York, les parents juifs n'enseignaient plus le yiddish (voir lexique) à leurs enfants, ils ne parlaient plus qu'anglais. Mais si Isaac savait que le yiddish était "malade" il refusait de le laisser mourir. " J'écrirais en yiddish même si je devais être le dernier écrivain au monde à écrire en yiddish"déclara t il.

Son premier roman publié en Amérique Sinful Messiah "le Messie pécheur " fut un échec. Isaac réussissait à vivre grâce à son métier de correcteur au Forvets tout en continuant à publier des nouvelles dans le même journal.

En 1937, il rencontre et épouse Alma Haimann, une juive originaire de Munich. Ce mariage durera jusqu'à la mort de Singer.

En 1944, Joshua Singer meurt d'une crise cardiaque. Singer fut très affecté par la mort de son frère.

Il a écrit en Yiddish. (mais il a fortement collaboré avec ses traducteurs anglais.) 

Ses histoires courtes et ses romans sont tous édités et sont toujours très populaires. 

Plusieurs ont été réalisés en films.

Singer a dit qu'il n'a pas même essayé de contrôler leur qualité une fois qu'il a vendu les droits. Il n'a pas aimé la production du film " Yentl "; mais a exprimé une certaine admiration pour la production du film "Ennemis: Une histoire d'amour ". 

La vie de Singer est bien connue par ses propres mémoires et n'importe quel amateur de ses fictions peut beaucoup apprendre en les lisant.

Il se rendait, naturellement, compte que l'Holocauste avait détruit quelque chose comme 70% des gens qui parlaient le Yiddish dans le monde et que cette langue a été souvent décrite comme mourante.

Dans son discours d'acceptation du prix Nobel Singer dit, " Le Yiddish n'a pas encore dit son dernier mot. Il contient les trésors qui n'ont pas été indiqués aux yeux du monde. C'était la langue des martyrs et des saints, des rêveurs et des cabalistes - riche en humour et dans les mémoires que l'humanité ne doit jamais oublier. D'une manière figurative, le Yiddish est la langue sage et humble de nous tous, la langue de l'humanité effrayée et pleine d'espoir. "

Une écriture de la mémoire

C'est à la mort de son frère que Singer commenca à écrire des livres à succès.

 

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 18:34

bonne idée , des informations vraies incitant à la curiosité , merci

 

Au-delà de son patrimoine architectural, de son artisanat (objets en verre soufflé, icônes peintes sur verre) et du folklore, la Roumanie a encore de nombreux secrets à dévoiler.

Saviez-vous que le prince Charles d'Angleterre, ami du comte de Kanolky, soutenait depuis quelques années le développement écologique du pays des sicules, en Tansylvanie ?

La Transylvanie, justement, est connue pour ses vampires mais nettement moins pour ses fossiles de dinosaures ! Le 'Geoparc des Dinosaures du pays de Hateg 'propose un parcours de randonnée qui permet d'y voir des oeufs fossilisés de dinosaures.

Des 7000 ours bruns, placés sous protection, que compte le pays, on en verra parfois certains pointer le bout de leur nez... à la recherche de restes alimentaires.

Et que dire d'une nuit dans un hôtel de glace? Parmi les nombreuses expressions populaires roumaines liées au bonnet de fourrure traditionnel, sachez que 'da cu caciula în câini '( littéralement 'frapper les chiens avec son bonnet ') revient à dire qu'on fait la fête et qu'on s'amuse bien.

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 18:26

Voyage à Rodrigues est un roman de Jean-Marie Gustave Le Clézio.

Il fait suite à un autre roman, Le Chercheur d'or. C'est un voyage sur les traces du grand-père de l'auteur.

 

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Un parallèle intéressant est fait entre d'une part les ancêtres libres qui voyageaient dans un monde exempt de frontières et d'autre part le peuple des oiseaux de mer.

 

« Le chercheur de chimères laisse son ombre après lui. » C'est ainsi que JMG Le Clézio qualifie ce grand-père qui l'intrigue tant, qu'il traque sur ce caillou de l'océan indien qu'est l'île Rodrigues.

Voyage initiatique s'il en est, à la rencontre de ses racines, sur les traces de ce grand-père qui croyait tant à la chimère, à 'l'île au trésor' qu'il y a consacré toute une partie de sa vie.

 

L'île Rodriges, à proximité de La Réunion et de l'île Maurice dont elle dépend, il la décrit comme « issue de la mer, portant sur elle l'histoire des premières ères : blocs de lave jetés, cassés, coulées de sable noir, poudre où s'accrochent les racines de vacoas comme des tentacules. »

 

Pour lui, c'est le bout du voyage. Pourquoi ce voyage à Rodrigues ? s'interroge-t-il. « N'est-ce pas comme pour le personnage de Wells, pour chercher à remonter le temps ? » Il se demande aussi comment un homme, son grand-père, a pu endurer pareilles conditions de vie, pareille solitude, comment définir cette obsession, cerner avec des mots 'cette fièvre du chercheur d'or',

« le langage est un secret, un mystère », remarque-t-il en écrivain qui y a lui-même été confronté, mais celui de son grand-père est particulier, avec « la géométrie comme premier langage », fait de bribes, constitué au fur et à mesure de se recherches.

Ceci en dit long sur l'homme car « il n'y a pas d'architecture sans écriture ». Cette obsession, cette recherche harassante d'un trésor hypothétique, c'est avant tout la quête d'un bonheur perdu après la vente de son domaine Euréka à Maurice et l'errance de la famille. Cette quête sonne comme une revanche, s'inscrit dans le destin de cette famille car « s'il n'y avait eu Euréka, si mon grand-père n'en avait été chassé avec toute sa famille, sa quête de l'or du Corsaire n'aurait pas eu de sens.

Cela n'aurait pas été une aventure aussi inquiétante, totale ».

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Le Clézio est frappé par ce contraste entre l'obsession solitaire de son grand-père et la guerre qui fait rage en Europe et dans le monde, c'est le rêve irréalisable comme le monde qui s'enfonce dans la guerre, qui impose sa présence inquiétante. « Comment oublier le monde, écrit-il, peut-on chercher le bonheur quand tout parle de destruction ? » C'est ainsi : « Le monde est jaloux... il vient vous retrouver là où vous êtes, au fond d'un ravin, il fait entendre sa rumeur de peur et de haine... »

 

Lui aussi, l'auteur, le petit-fils, se sent floué par ce voyage : « Maintenant je le sais bien. On ne partage pas les rêves ».

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 18:05

Des hommes, roman, 2009,

 Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements », en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies.

Mais parfois il suffit de presque rien, d"une journée d’anniversaire en hiver, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.

 

 L'auteur :

Laurent Mauvignier est né à Tours en 1967. Diplômé des Beaux-Arts en Arts Plastiques (1991).

 Il publie son premier roman aux Éditions de Minuit en 1999. Depuis, tous ses livres ont été publiés chez le même éditeur :

 

Loin d’eux (1999),

Apprendre à finir (2000),

Ceux d’à côté (2002),

Seuls (2004),

Dans la foule (2006),

Des hommes (2009),

un dialogue, Le Lien (2005), Dans la foule (2006),

Des hommes (2009),

Ce que j'appelle oubli (2011),

théâtre, Tout mon amour (2012)

 

Ses romans s’essayent à circonscrire le réel mais se heurtent à l’indicible, aux limites du dire. Une langue qui tente de mettre des mots sur l’absence et le deuil, l’amour ou le manque, comme une tentative de vouloir retenir ce qui nous file entre les doigts, entre les ans. 

critique Magazine Litteraire

Laurent Mauvignier, avec Des hommes, ouvre la plaie de la guerre d’Algérie.

Roman après roman, les catastrophes bouleversant les vies des personnages de Laurent Mauvignier gagnent en ampleur. Apprendre à finir (prix du Livre Inter 2001) déroulait le monologue d’une femme qui ne se résignait pas à la dissolution de son couple. Dans la foule (2006) faisait entendre, en une polyphonie virtuose, les voix d’hommes et de femmes spectateurs, victimes ou coupables du drame du Heysel, avant, pendant et bien après les mortelles bousculades qui firent quelque trente-neuf morts et six cents blessés. Des hommes, l’un des plus beaux ouvrages qu’il nous ait été donné de lire en cette rentrée, s’intéresse pour sa part au traumatisme et aux traumatisés de la guerre d’Algérie. Longtemps désigné sous le terme des « événements », comme si on espérait que cette dénomination lui permettrait de basculer discrètement dans les oubliettes de l’histoire, ce conflit, revenu au premier plan à l’occasion de l’apposition en 2001 d’une plaque sur le pont Saint-Michel à la mémoire des Algériens tués à Paris le 17 octobre 1961, de la reconnaissance par Jacques Chirac la même année d’une « dette d’honneur » à l’égard des harkis, ou de films tels que Nuit noire ou L’Ennemi intime, sert de toile de fond à plusieurs ouvrages paraissant cet automne, dont L’Aimé de juillet de Francine de Martinoir (lire p. 27), La Chambre de la vierge impure d’Amin Zaoui, ou encore Le Rapt d’Anouar Benmalek (lire p. 32) – comme si la littérature s’engouffrait dans la brèche d’une mémoire ravivée aujourd’hui après avoir été occultée des années durant.

 

Découpé en plusieurs chapitres/séquences intitulés «Après-midi», «Soir», «Nuit», «Matin» et architecturés à la manière d’un montage cinématographique, Des hommes se déroule apparemment sur vingt-quatre heures – le temps prescrit pour une tragédie –, en réalité sur quatre décennies, un vaste mouvement de flash-back s’amorçant à l’arrivée de la « Nuit ». Tout commence de nos jours lors d’une fête d’anniversaire organisée en l’honneur de Solange. Surgit le frère, un pauvre bougre surnommé « Feu-de-Bois » tant l’odeur de crasse, de vin et de charbon de bois qui émane de lui a effacé Bernard, l’homme qu’il fut autrefois. Son comportement, entre égarement et agressivité raciste, crée le scandale, amenant le narrateur, son cousin Rabut, à se remémorer des souvenirs qu’il a longtemps repoussés, voire reniés. Avec la « Nuit » s’opère un basculement à la fois géographique, temporel et narratif : nous voilà en Algérie quarante ans plus tôt, alors que la guerre bat son plein. Rabut cesse d’être notre guide et témoin pour devenir un protagoniste parmi d’autres, engagé tout comme Bernard au sein d’un conflit qui refuse de s’avouer comme tel. C’est au cours de ces quelques mois d’épreuves que réside la clé expliquant la conduite de Feu-de-Bois, si bien que, lorsque au « Matin » nous revenons au présent et au récit de Rabut, le regard que nous posons sur ce dernier comme sur Bernard/Feu-de-Bois, et l’incident du premier chapitre, change du tout au tout.

 

On avait déjà pu admirer la maîtrise de Laurent Mauvignier dans l’orchestration des points de vue avec Dans la foule, où les monologues de Geoff, de Jeff, de Gabriel, de Tana s’entrelaçaient en un choeur éclairant le drame du Heysel sous plusieurs facettes, composant une sorte de mosaïque croisant les nationalités et les histoires de chacun. L’emboîtement de narrations, qui donne à Des hommes toute sa puissance et sa subtilité, est pareillement remarquable. Si la voix de Rabut domine au début et à la fin du texte, la narration omnisciente de la « Nuit » fait apparaître une multitude de personnages qui se relaient dans la prise de parole : Châtel, qui ne supporte pas les exactions auxquelles il est forcé de participer, Nivelle, qui n’hésite pas à tirer une balle dans la tête d’un jeune garçon lors de la fouille d’un village, Abdelmalik et Idir, les deux harkis déchirés, Bernard, bien sûr, qui a rencontré la fille d’un riche colon, Mireille, et rêve d’un avenir avec elle, et d’autres, encore, qui sont amenés à parler tout haut ou tout bas, ajoutant chacun sa pierre au tombeau terrible et sublime dressé par Laurent Mauvignier aux nondits de la guerre d’Algérie.

 

Car c’est bien le silence qui est au coeur de l’histoire que nous conte l’auteur. Silence des autorités pour commencer. Silence de ceux qui, tel Rabut, n’ont eu de cesse, une fois revenus chez eux, d’effacer ce qu’ils avaient vécu, « de se taire, de montrer les photos, oui, du soleil, beaux paysages, la mer, les habits folkloriques et des paysages de vacances pour garder un coin de soleil dans la tête, mais la guerre, non, pas de guerre, il n’y a pas eu de guerre ». Silence de ceux qui, tel Bernard, ne se remettront jamais des « événements », au point d’oublier qui ils étaient pour renaître en perdants amers, désespérés, murés dans l’impossibilité d’exprimer leur douleur. Silence de ceux qui sont morts là-bas, aussi, et puis de ceux qui vous accueillent à votre retour, qui ne savent pas trop comment s’adresser à vous et ne s’attardent pas. Silence enfin entre Rabut et Bernard, plus intime cette fois-ci, les non-dits collectifs se confondant dans Des hommes avec les secrets familiaux, l’incommunicabilité s’étageant sur plusieurs niveaux, comme une chape implacable isolant chacun des personnages et le condamnant à poursuivre son existence en fantôme de celui qu’il fut.

 

Laurent Mauvignier sait donner corps à l’absence, au blanc, comme à ce qui se tient tapi dans l’ombre, ce fatum menaçant, pareil à ces rebelles introuvables village après village, et ne laissant d’autre trace que l’image d’un cadavre sauvagement torturé avec cette inscription : « Soldats français, vos familles pensent à vous, retournez chez vous. » Mais il sait tout autant nous plonger au coeur des choses, nous faire partager le quotidien d’une troupe, « le vacarme des appels crachés des haut-parleurs, les ricanements, jérémiades, engueulades, et ces affreux lits superposés où grouillent des punaises, des puces, des morpions aussi […] », et nous donner à voir une horreur vécue, tout au long de saynètes incarnant très concrètement les inextricables noeuds d’un combat où tous sont à la fois victimes et bourreaux, innocents et coupables, pris dans un engrenage que rien ne peut arrêter, jusqu’à l’acmé que nous ne dévoilerons pas et qui plane sur l’ensemble du roman comme un point d’orgue, un trou noir où est né Feu-de-Bois et où est mort Bernard. L’auteur de Dans la foule aime à suivre chacune des ramifications d’un traumatisme, qu’il soit amoureux ou familial, intime ou collectif. Ses conséquences immédiates, parfois spectaculaires, et puis les autres, qui couvent sous la cendre, pareilles à des braises qu’un simple coup de vent peut transformer en incendie. Auscultant chacune des émotions et des contradictions de ses personnages, Laurent Mauvignier se glisse dans leur coeur et leur esprit en sismologue des âmes blessées, suivant l’onde de choc de ce qui les a meurtries non tant pour leur apporter un impossible apaisement que pour mettre au jour le fil à même de nous guider dans le labyrinthe de leurs pensées, de leurs souffrances, de leurs regrets – en un mot, de leur humanité.

Minh Tran Huy

Le Magazine Littéraire - Septembre 2009

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 21:21

 

« On appelle mes livres des romans, mais, sauf Le Mas, ils ne sont pas ce qu’on désigne d’ordinaire sous ce nom. Et je n’y tiens pas. 

J’ai écrit des récits. 

Le récit m’est indispensable pour atteindre directement à la poésie. 

C’est la poésie que je cherche, c’est-à-dire la création de fictions, tirées du fond de l’âme, et dont la vie fictive, analysée avec soin, me permette d’étudier et de connaître cette âme elle-même, par cette sorte de reflet  »

 

 

Les lecteurs de l'Ane Culotte et de Hyacinthe retrouvent ici les mêmes personnages et les mêmes lieux. Cette histoire aussi se passe dans les montagnes du Lubéron. Un peu à l'écart du monde, les habitants des fermes et des hameaux trouvent une indicible sérénité dans une vie rustique et dans le maintien des traditions. Familiers de la nature, ils sont attentifs à ses signes et vivent dans le respect des éléments. Dans les ravins et les combes rocheuses, des visiteurs au visage ténébreux abritent leurs feux éphémères et leurs mystérieux desseins. Deux mondes s'affrontent et, dans cette lutte, la magie a parfois une tenace victoire... Un soir de Noël, une gitane abandonne une petite fille chez les Guériton qui réveillonnent avec Frédéric Méjean, le narrateur de ce récit. C'est une enfant étrange, appelée Félicienne : elle ne parle pas sans tomber en léthargie et ses yeux n'expriment rien. Les gens du pays s'efforcent d'éclaircir le halo de mystère qui entoure Félicienne sans y parvenir : d'autres événements insolites les troublent, mais ils ne peuvent les relier entre eux. Frédéric est lui-même victime des sortilèges : il aperçoit Félicienne dans une forêt peuplée d'animaux apprivoisés, tandis qu'une voix murmure " Hyacinthe... Hyacinthe ". En proie au délire pendant plusieurs jours, terrassé par les forces malignes, il aura une vision de l'histoire de l'enfant... mais on ne saurait se fier aux songes. Il faudra la découverte d'un document magique. Il faudra surtout que Félicienne, devenue une jeune fille, puisse reconnaître la voix de celui qui, appelant " Hyacinthe ", saura réveiller son âme endormie par un " enchantement "

 

L’Ane Culotte (1937) Hyacinthe (1940) et le Jardin d’Hyacinthe (1946) forment une étrange trilogie. Un couple d’enfants, Constantin et Hyacinthe, va vivre une extraordinaire aventure. Ils sont destinés, l’un et l’autre, à s’élever jusqu’à la sagesse et l’amour, mais il leur faudra auparavant échapper à l’envoûtement du magicien avide de puissance, Monsieur Cyprien. Etonnante figure de « sorcier », ce dernier entend refaire ici-bas l’œuvre de Dieu qu’il juge imparfaite et pervertie par les hommes ; il veut faire des deux enfants les premières créatures de son Paradis terrestre. Mais s’il possède sur les âmes un pouvoir surnaturel, il lui manque l’amour dont Constantin et Hyacinthe feront peu à peu l’expérience et qui à jamais orientera leur vie. Qu’est-ce-que Hyacinthe sinon le symbole de l’impossible et nécessaire amour, secret des hommes et de Dieu, mystère de l’être sans lequel aucune vie ne possède de réalité ?

 

L’aventure spirituelle dans laquelle s’est engagé Henri Bosco le mène désormais, au cours d’un été symbolique, du visible à l’invisible. L’homme ne peut faire la découverte de ses forces cachées qu’au contact d’une puissance terrifiante, la Terre. Le Mas Théotime (1945) nous présente de cette Terre un visage apaisé et bienveillant. Pascal Dérivat, le « héros », homme doux et sage, est exposé à la tentation de la passion qu’exalte en lui Geneviève et qui , en le grandissant, menace toutefois de le détruire, car elle répond à la violence et à la sauvagerie de sa propre nature. L’amour simple et discret de Françoise ne paraît pas pouvoir le détourner de son destin. Le désordre engendré par la passion est tel que Pascal en arrive à cacher et protéger l’assassin de son cousin Clodius ; geste insensé, car, il le sait bien, Clodius a été tué par erreur, c’est lui, Pascal, que voulait supprimer cet homme, abandonné par Geneviève et jaloux de celui qu’elle lui avait préféré. Mais la Terre intervient, « exigeante et redoutable », lorsque Pascal accepte le domaine que lui a légué le mort : il entend la voix du mas, la voix de la Terre, et il se soumet à cette « grave et impérieuse pensée ». Pascal choisit le renoncement et la sagesse, il accepte la souffrance qu’apaisera sans doute la silencieuse tendresse de Françoise.

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18 août 2012 6 18 /08 /août /2012 22:27

http://www.john-burdett.com

 

Le district numéro 8 de Bangkok présente un sacré bestiaire humain : épaves crackées, ex-Khmers rouges dealers d'amphés, transsexuels et autres filles de joie...

Un folklore dont l'inspecteur Sonchaï Jitpleecheep n'a aucun mal à maîtriser les codes.

Ce métis, fruit de l'amour hasardeux entre un G.I. américain et une fille des bars thaïe, a d'ailleurs choisi une méthode d'investigation bien particulière : c'est Bouddha qui l'inspire et le guide dans ses enquêtes.

Et même si son goût prononcé pour les paradis artificiels et l'amour tarifé lui font prendre quelques libertés avec l'ascétisme karmique, celui qu'on surnomme le " flic moine " met un point d'honneur à combattre le crime et la corruption qui gangrènent la mégalopole thaïlandaise.

 

Un polar à l'atmosphère urbaine étouffante sous la plume d'un John Burdett au meilleur de sa forme.

 

 

RÉSUMÉ DU LIVRE

Bangkok 8, c'est le code postal du quartier chaud de la mégalopole thaïlandaise, un égout à ciel ouvert et un champ de bataille dans lequel opère Sonchaï Jitpleecheep, fils d'un GI et d'une fille de bar thaïe. Seul policier de Bangkok à ne pas toucher de pots-de-vin, bouddhiste pratiquant, il est chargé d'enquêter sur un meurtre peu banal : celui d'un marine américain noir retrouvé - mort - dans une Mercedes blindée aux portières condamnées. En la seule compagnie d'un python et d'une flopée de cobras hypervenimeux...

 

Burdett est un ancien avocat qui vécut et travailla à Hong Kong pendant douze ans. Il fut notamment employé par le gouvernement de Hong Kong, avant de travailler pour son propre compte. Finalement, Burdett décida d'abandonner le droit et d'entamer une carrière comme auteur de romans policiers.

Burdett partage désormais son temps entre la France et Bangkok, où il passe beaucoup de temps en recherche dans les quartiers chauds de Soi Cowboy et Nana Plaza1 .

 

 

La série de romans policiers Bangkok, constituée de Bangkok 8, Bangkok Tattoo, Bangkok Haunts et The Godfather Of Kathmandu, se déroule essentiellement à Bangkok.

Le héros est un inspecteur de police thaï, Sonchai Jitpleecheep.

Fils d'une prostituée thaïe et d'un officier américain qu'il n'a jamais connu, le détective nous fait partager ses méditations philosophiques bouddhistes et ses réflexions sur le fossé culturel entre l'Asie et l'Occident (il a une connaissance intime de ce dernier en raison de ses nombreux voyages durant sa jeunesse aux États-Unis et en Europe).

Autre caractéristique atypique pour un flic de la bruissante métropole, il s'est fixé pour devoir d'être strictement incorruptible.

Les différents romans de Burdett ont tous pour toile de fond la dynamique industrie du sexe en Thaïlande et les quartiers chauds de la capitale.

 

Fils d'une prostituée thaïe et d'un G.I. reparti au pays, Sonchaï Jitpleecheep est un flic atypique. Même si son goût pour l'amour tarifé lui fait prendre quelques libertés avec l'ascétisme karmique, il n'en reste pas moins un bouddhiste pratiquant. Mais dans la jungle de Bangkok, il y a bien des choses que Bouddha n'avait pas prévu. En moine flic, Sonchaï doit s'adapter...

 

« Envoûtant comme les mille et uns mystères de l'Asie, Bangkok 8 vous procure la sensation d'une décharge électrique hautement galvanisante. Entre férocité, dépaysement et ironie, le très grand art d'un thriller comme on n'en avait pas encore lu. »

Christian González, Madame Figaro

 

 

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 23:29

je m'ennuie , en attendant le retour de ces âmes.

Le pays est traversé par le bien et le mal.le destin des ces trois personnages est attendu , sans réelle profondeur.

je reste depuis longtemps sous le charme des romeans , des poemes de FC  , mais la rien ne s'opére

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